Petits réseaux de chaleur économiques
(Intervention Thierry Awenengo-Dalberto 17/03/2000, à
Rhônalpénergie-Environnement)
Les réseaux de chaleur ont été traditionnellement exécutés en acier, soit en caniveaux, soit, plus récemment avec des tubes préisolés. Les inconvénients de ces technologies sont en général sur les problèmes de dilatation, sur les problèmes de corrosion et, dans une moindre mesure, mais de façon loin d’être négligeable, sur les déperditions en ligne. Mais l’élément le plus important en ce qui nous concerne, c’est probablement la perte de charge due à la rugosité interne du tube.
En effet, le coefficient de rugosité est de 0.05mm et de 0.007 pour les matériaux plastiques, soit 7 fois moins. Cela se traduit en pratique par exemple avec de l’eau à 80°C dans un tube de 40mm par une augmentation de perte de charge de 0.23pa/m à 0.28pa/m, soit 18% pour une vitesse de 1m/sec et de 0.39 à 0.32 soit 22% pour une vitesse de 1.20m/sec.
Le second élément « traditionnel » des réseaux classiques, c’est l’utilisation systématique d’échangeurs afin de bien séparer les réseaux primaires et secondaires. Ce choix implique plusieurs contraintes :
· Le surcoût de prix des équipements
· La perte de charge supplémentaire considérable de ces appareils
· Les pertes thermiques supplémentaires
Enfin, le calcul de dimensionnement des échangeurs part souvent de la taille des générateurs existants, souvent (pour ne pas dire toujours) largement surdimensionnés : il en découle généralement des monstruosités rédhibitoires avec des échangeurs d’une puissance double du nécessaire.
Les deux points aperçus aux § précédents induisent automatiquement des faiblesses traditionnelles des réseaux classiques
Les pertes en lignes, les débits moindres dus à la rugosité, les pertes thermiques des échangeurs induisent presque automatiquement des températures de fonctionnement plus élevées. Comme, de surcroît, la « tradition » classique de calcul des installations de chauffage central se base sur des régimes 90/70°C, on obtient souvent des régimes de réseaux supérieurs à 100°C, fréquemment 110/90.
Avec des températures élevées, les débits sont en général limités aux besoins réels des installations. Toutefois, le surdimensionnement généralisé des échangeurs induit des débits également surdimensionnés.
C’est sur ce chapitre qu’on trouve les aberrations les plus significatives : l’addition des pertes de charge réseaux et celles des échangeurs conduit à des pressions de service terriblement élevées.
Le cumul des faiblesses énumérées ci-avant conduit :
· A des réseaux surdimensionnés
· A des débits surestimés
· A des pressions de service très élevées, donc à des tailles de pompes importantes
En conséquence, on obtient des coûts de réseaux très importants additionnés de coûts d’exploitation considérables. Il faut rajouter qu’avec des températures de service élevées, la durée de vie du matériel est raccourcie dans des proportions importante (une pompe travaillant en régime 80/65 dure deux à trois fois plus longtemps qu’avec un régime 110/90)
Plusieurs critères peuvent être utilisés pour définir un petit réseau de chaleur :
· La section maximale des tubes
· La puissance thermique distribuée
· Le régime de chauffage moyen des installations
· La longueur du réseau de distribution
Il n’y a pas de règles précises. Le bon sens voudrait qu’on se cantonne dans des dimensionnements simples :
· Section maximale des tubes DN90, voire exceptionnellement DN110
· Puissance thermique distribuée inférieure à 1MW
· Régime de distribution maximal 90/70°C
· Longueur maximale autour du kilomètre
Toutefois, ces critères sont relativement subjectifs et il n’est pas question d’autre chose qu’une estimation.
Mais le point fondamental d’un petit réseau, c’est d’abord un nombre de distribution assez faible, avec un maximum d’une trentaine de points.
Avec un nombre aussi modeste, il est possible de bien maîtriser la fiabilité de l’ensemble en contrôlant la fiabilité des chacune des installations raccordées. Ceci induit alors la suppression des échangeurs, donc la suppression de tous les inconvénients liés à l’usage de ces appareils.
On peut presque alors définir un petit réseau comme un réseau où les échangeurs sont inutiles.
La première règle d’or d’un petit réseau « malin », c’est de ne fonctionner qu’avec les débits nécessaires en éliminant les surdébits dès la conception. Ceci passe par une maîtrise poussée des équilibrages, du dimensionnement précis des installations, donc d’une appréciation fine des déperditions et besoins et probablement par des choix de matériaux avec des coefficients de rugosité les plus faibles.
Si c’est possible, travailler avec des régimes 80/65°C qui présentent d’énormes avantages (températures de fonctionnement plus faibles = usure moindre, dilatations réduites, possibilités d’utilisation de tubes en résines, etc…) à condition que les installations soient prévues pour ce régime (ce qui est rare avec d’anciennes installations de chauffage central à eau chaude). Si cela n’est pas possible, le seul matériau possible en choix résine sera le polybutène ou le PER, classe 0 CSTB, capable d’encaisser des pressions fortes (6 bars) à 90°C en régime permanent et 110°C à 4 bars en régime exceptionnel.
Autant la pression de service dans un réseau classique n’a que peu d’incidence, autant dans un petit réseau sans échangeur est-il important de ne pas dépasser 3.5 bars. Encore est-il fréquent, à cause des vases d’expansion existants sur les anciennes installations, de travailler à des pressions de 1.5 ou 2 bars.
Ce n’est pas parce qu’on va arriver à limiter les coûts d’un petit réseau direct par rapport à un réseau traditionnel qu’il faut réduire ces points : au contraire, la qualité des matériaux et des assemblages devient primordiale, tant pour le réseau, la chaufferie que pour les installations secondaires. L’utilisation privilégiée de tubes résines, supprimant totalement les effets corrosifs et les possibilités de dépôts (aucun dépôt traditionnel entartrant ne peut se fixer sur une résine) induit des pérennités plus longues.
Il arrive fréquemment qu’un petit réseau direct soit implanté en milieu urbain ancien : Dans ce cas, les canalisations en résine pré isolées seront à privilégier à cause de leur souplesse et leur faculté d’adaptation aux terrains et obstacles. Par leur coefficient d’isolation très élevé, un passage moins profond ne sera que très peu pénalisant. Enfin, il faut signaler que des points hauts sans purge sur de petits diamètres peuvent s’auto – purger avec des vitesses de défilement assez élevées, mais ceci doit rester au stade des particularités. Mais là aussi, les canalisations résine sont nettement plus performantes que l’acier.
Les installations neuves devront répondre à quelques critères spécifiques du cahier des charges des petits réseaux et en particulier :
· Utilisation d’émetteurs sans déformation à 4 bars (concernes certains radiateurs acier bas de gamme)
· Utilisation de vannes de bonnes qualité, série 6 bars
· Obligation d’un système de régulation sur Température extérieure et vanne 3 ou 4 voies motorisée
· Système de purge sans boutons moletés ou pouvant être manipulés par tout un chacun (l’idéal étant une purge unique en point haut)
· Concordance des pressions d’expansion
· Pas de remise à niveau de l’eau du réseau
· Calorifuge solide obligatoire des tubes non régulés
Il est souhaitable que l’installation soit effectuée par des professionnels formés à ces techniques un peu particulières. Cela peut dispenser (mais ce n’est pas souhaitable) d’une épreuve générale plombée à 4 bars pendant 24 heures.
Enfin, pour une production ECS, celle-ci doit impérativement avoir un disposition de limitation à 55°C.
Celles-ci devront être modifiées pour répondre aux critères du § précédent. Si cela n’était pas possible, attention à ne pas choisir la solution « on peut mettre un échangeur » car on obtiendrait un tel déséquilibre dans les pertes de charges du réseau (par rapport à un système de bouteilles) qu’il serait pratiquement impossible à corriger.
L’épreuve 4 bars 24 heures est nécessaire mais pas suffisante : outre la fiabilité au moment du raccordement, la pérennité est également indispensable
Le système de bouteilles est hyper-simple. Celle-ci sont dimensionnées suivant les critères Missenard (10cm/seconde maximum)
Une bouteille (acier ou bientôt préfabriquée 100% polybutène) comporte d’un côté les tubes aller (vanne ¼ tour) et retour (vanne équilibrage type TA) et au « secondaire » deux tubes avec vannes ¼ tour, équipement de comptage (volucompteur, sondes aller et retour en doigts de gants et intégrateur) qui peuvent être séparés en deux tubes chauffage et éventuellement deux tubes ECS, chacun avec vannes ¼ tour.
Normalement, la bouteille est ses deux vannes primaire fait partie du réseau. Le reste est privé et le comptage doit, si possible, être pris en contrat location entretien de façon globale pour tout le réseau (application plus facile de la Loi de 1979)
Les comptages sont aujourd’hui tous équipés de générateurs d’impulsion et raccordables aux équipements de télésuivi en chaufferie, d’où l’importance d’un câble type téléphonique qui court en même temps que les canalisations.
Les installations en chaufferie sont rigoureusement identiques à celles des systèmes classiques, sauf éventuellement en ce qui concerne les réglages des différents organes de régulation et sécurité qui doivent être adaptés aux contraintes des matériaux du réseau (Tmax de service et Tmax d’épreuve, pressions de service, pressions de sécurité).
Les pompes réseau d’un système sans échangeur sont très petites, avec des pressions de service basses, ce qui permet l’usage d’éléments à rotors noyés, de limiter l’usure et de faire appel à des consommations électriques très faibles également.
Aujourd’hui les principaux fournisseurs disposent de moyens informatiques précis et efficaces, et qui prennent en compte tous les paramètres des réseaux (y compris les altitudes). Utiliser ces facilités avec contrôles.
En plus des calculs réseau types, les calculs d’équilibrages avec réglage des vannes d’équilibrage est obligatoire, même avec des pressions de service faibles. Attention donc à l’utilisation de vannes d’équilibrages fournies sans abaques de kv, ce qui empêche tout réglage scientifiquement satisfaisant.
Les débits seront tous définis sans supplément ni marge pour les dimensionnements et les régimes définis pour le réseau.
Privilégier les matériaux à faible rugosité : leur prix plus élevé est souvent compensé par une mise en œuvre plus facile, des raccordement plus fiables, et une suppression des problèmes de corrosion.
Toutefois, il arrive que des contraintes budgétaires ne permettent pas l’usage de ces produits.
La définition des mises en œuvre d’un petit réseau réclame plus de précision qu’une installation classique : le CCTP devra refléter ces exigences. De plus, l’obligation de justification de la formation adéquate du personnel devra aussi figurer dans les contraintes de consultation.
A définir et annexer soigneusement aux pièces écrites et à diffuser largement.
Sur le plan thermique, un petit réseau simple est une entité précise et avec des déperditions bien plus maîtrisées qu’avec des équipement classiques. Toutefois, il apporte certaines contraintes liées à des températures assez basses (dimensionnement des émetteurs par exemple) et une nécessite de rigueur globale et permanente de l’ensemble.
En revanche, pour un coût assez faible, il permet des raccordements qui n’auraient jamais pu se faire (petits logements) avec les coûts engendrés par des installations classiques avec échangeurs.
Il demande l’application du principe « une chaîne n’est forte que par son plus petit maillon », mais est, en contrepartie, générateur d’une solidarité nouvelle qui manque souvent cruellement à notre culture latine hyper individualiste.
Sa mise en œuvre nécessite des maître d ‘œuvre rigoureux et précis, ce qui est excellent pour la rénovation de l’image de la profession.
C’est au final un outil simple, financièrement accessible à tous et dont l’entretien est réduit au minimum.
Enfin, avec une formation spécifique simple aux différences de ce type d’installation par rapport au traditionnel, il permet aux artisans et petites entreprises locales de participer à des travaux qui, souvent leur échappait totalement.